
Dans un élan de folie à peine
dissimulé, mon
coach conseiller d'affaires m'a dit il y a
quelques semaines :
Mike, quel est pour toi le truc le plus dingue que tu aies à exprimer
?
Ma réponse fut hésitante (ce qui est rare et à souligner) :
Euh... ? ... les erreurs que les médias de masse véhiculent et les gens peu
informés racontent à propos du bio ?
Et de reprendre :
- Non, quelque chose de plus fort, de plus ancré en toi, de plus profond, de
plus incarné !
- Un truc encore plus dingue donc ?
- Oui

- Les gens ne croient pas aux
énergies faibles, à ce qui n'est pas perçu par les 5 sens, ils ne croient pas
qu'un arbre vivant peut réconforter et apporter un réel bien-être.
- Si tu veux. Et dans un registre d'intérêt général, plus terre à terre, plus
quotidien, plus parlant pour tout le monde ?
- Une nouvelle qui passe inaperçue, et qui laisse les gens de marbre : les
grandes villes en France ont moins d'une semaine d'autonomie alimentaire. Ce
qui veut dire que s'il y a un blocus massif, ou un problème important dans les
approvisionnements, la révolution montrera le bout de son nez. Et la famine
avec.
- Voilà ! Peux-tu nous détailler cela ?
- C'est simple ! Avant 1940, l'exode rural avait déjà un peu débuté, et n'était
pas aussi important qu'aujourd'hui. Avec la seconde guerre mondiale, il a fallu
transformer les excédants guerriers (comme tous les produits chimiques qui
avaient été produits). Il fallait également reconstruire la vieille Europe, sur
le plan de l'urbanisme et au niveau agricole aussi. Les industries existantes
ne pouvaient pas fermer du jour au lendemain, et il fallait relancer l'économie
et nourrir des millions de personnes. La solution était devant les yeux des
industriels, déjà avides alors de capitaux : transformer l'agriculture peu
productiviste en un outil nourricier gigantesque. Autrement dit transformer les
armes en "produits utiles" pour les champs (engrais, pesticides, etc.). De
fait, les rendements agricoles ont augmenté à une vitesse vertigineuse. Les
élus de l'époque de sont félicité de cette relance impressionnante. C'était
sans compter que les besoins allaient -après la reconstruction et après cette
relance- décroitre. Alors les chimiquiers sont devenus semenciers, et pour
protéger leur commerce lucratif ils ont brevetés leurs semences. Avec cette
démarche, les industries de la chimie de synthèse vendent aussi des semences
génétiquement modifiées. Les semences modifiées ont besoin de produits
chimiques, sinon leur rendement est mauvais. Ce qui permet de rendre la
paysannerie totalement dépendante de quelques grands chimiquiers, sous couvert
de nous dire qu'ils participent au bien-être mondial, et à la lutte contre la
faim dans le monde.
- Pourtant, grâce à cette agriculture, tout le monde peut manger mieux et à sa
faim ?
- C'est ce qu'on te dit, pas ce que les gens vivent. Les produits chimiques qui
tuent les "nuisibles" (insectes, champignons, ...) et le sol coutent cher, et
la politique européenne subventionne l'agriculture dite "conventionnelle". Sans
doute pour aider les paysans à acheter les fameux produits.
Si les produits appelés "phytosanitaires" sont si bons pour faire pousser les
fruits et légumes vendus dans la grande consommation, pourquoi certains paysans
qui ne peuvent plus cultiver leurs terres se suicident-ils avec leurs propres
produits phytosanitaires ? Si ces produits sont innofensifs pour la santé,
pourquoi les paysans qui les utilisent portent masques et combinaisons, au
risque sinon d'attrapper des maladies graves voire de mourir ?
- ...
- pourtant les fruits et légumes issus de ces productions sont vendus dans le
commerce, avec des concentrations élevées de ces fameux produits. Au passage,
cela fait quelques années déjà qu'il a été démontré que ces produits chimiques
sont nocifs, délétères et qu'ils provoquent des maladies graves. Récemment, on
a aussi parlé qu'ils provoquent des cancers !...
- ... et quel est le rapport avec ce cri qui te vient de l'intérieur ?
- C'est simple : on multiplie les liens de dépendances, on prive les citoyens
citadins d'une liberté : dans un pays "riche" comme la France on prive
l'habitant des villes de manger avec dignité des aliments sains. En ville,
présentée comme l'eldorado jusqu'à la fin du 20è siècle, il n'est pas possible
d'être autonome ni de choisir des aliments sains. En ville, on doit aller
acheter ses fruits et légumes dans des hypermarchés, qui les ont acheté à une
centrale, qui est passé par un grossiste, qui a acheté ses produits sur un MIN
comme celui de Rungis, les produits achetés sur le MIN ayant été négociés avec
des coopératives de paysans qui vendent à perte.
- Ce que tu traduis là n'est pas la réalité, c'est une interprétation de ta
part.
- Oui c'est une lecture possible de la réalité. C'est ma lecture. Et multiplier
les intermédiaires, pour faire gonfler artificiellement le prix des aliments,
et dire ensuite que telle ou telle enseigne diffuse à prix cassés ses produits,
c'est encore plus dingue. Au final, c'est souvent le paysan, qui est à l'autre
bout de la chaîne, qui trinque.
- Et tu proposes quoi concrètement donc ?
- Justement, j'allais y venir. Pour restaurer une autonomie alimentaire aux
peuples des villes, il faut leur laisser un accès à la terre. Car seule la
terre permet de faire pousser sereinement les végétaux dont nous avons tous
besoin. Pas de terre, pas d'aliments. Or, en ville, malgré toutes les couches
de béton et d'asphalte, il existe des zones où l'on peut rétablir des cultures
hyperlocales : les balcons, les toits, les cours, les bordures de
fenêtres, et même les intérieurs des appartements peuvent permettre de faire
pousser des fruits et légumes. On y fait bien pousser des plantes exotiques !
La première étape est à mon avis de donner à nos concitoyens la capacité à
faire pousser facilement de quoi se nourrir et aussi de quoi décorer son
intérieur avec d'autres plantes que les exotiques proposées en grande
distribution.
- Soit. Donc tu proposes de quoi manger facilement en ville, sans avoir à aller
dans un grand magasin, et sans sortir de la ville ?
- Oui, en quelque sorte.
Et mon coach de reprendre encore :

- et que fais-tu des AMAP, des paysans qui vendent en direct, des coopératives
bio, des magasins bio, de toutes ces entreprises intermédiaires qui vivent
grâce à ce système industriel ?
- Ca vient en complément. Chacun doit pouvoir trouver pour lui-même ce qu'il
lui convient. Pour citer l'un de mes guides à agir, Pierre Rabhi, je dirai en
toute simplicité que
je ne partage pas l'idée selon laquelle l'économie de
marché à sorti le monde de la précarité. Je suis témoin du contraire.
- Merci Mike, et quelles sont tes prochaines étapes pour aider tes concitoyens
?
- On en reparle dans quelques jours ?
crédits photos :
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- Pierre Rabhi